Dans un article précédent sur la musique à l’école, j’avais reproduit un article de la nr relatant une action du crr à l’école
andersen, censée selon l’auteur de l’article résorber la « fracture culturelle », expression qui renvoie à la « fracture sociale », initiée par Emmanuel Todd et transformée en
slogan électoral par Jacques Chirac, alors prétendant au poste de président de la république.
« Fracture sociale » est une locution qui, selon Marcel Gauchet, illustre le fossé qui ne cesse de se creuser entre
une élite cultivée et bourgeoise, confinant à l’aristocratisme, et une masse populaire déniant toute référence à cette classe, se repliant sur son malheur en y construisant sa propre culture,
forcément élémentaire, primaire et populiste. Les Lumières opposées aux racines du génie du peuple, ou encore la distinction entre champ bourgeois et champ populaire, conceptualisée par Pierre
Bourdieu, ce refrain est rebattu depuis bien longtemps déjà.
Resorber cette fameuse « fracture culturelle » serait donc de fournir au peuple les outils qui servent à élever les
âmes bourgeoises, violoncelle, hautbois ou encore cor d’harmonie.
Mais le peuple est assez grand et cultivé pour s’élever lui-même, il a ses pratiques artistiques qui lui confèrent excellence
et dépassement de soi ; je veux parler ici de la danse hip hop.
La danse hip hop est ancrée dans l’imagerie de la révolte des banlieues (voir « La Haine », le film fameux de
Kassovitz), récupérée par la clinquance des chaines de télévision (la battle), et timidement admise dans le cercle de la culture légitimée (on tolère encore un ou deux spectacles de danse hip hop
dans la programmation des scènes nationales).
Entre 2000 et 2010, j’ai fait œuvre de missionnaire, en essayant d’inculquer, dans certaines écoles, la pratique
hautement culturelle du chant choral.
En 2007, j’ai proposé à Christiane Vignault, responsable des actions culturelles pour le quartier de Beaulieu, de substituer à
titre expérimental cette initiation à la pratique chorale, par une initiation à la danse hip hop pour les deux écoles de Brassens et de Bouloux, dont l’animateur serait mon fils Lucien , déjà
rompu aux arcanes de cette pratique, et dont je supposais qu’il susciterait l’intérêt des élèves de ces deux écoles.
Christiane a permis que le projet se concrétise, après moults circonvolutions auprès de son autorité de tutelle.
L’expérience à Bouloux a tourné court ; lors de la première séance, trois élèves ont bien voulu participer à l’atelier,
mais ne se sont pas représentés à la séance suivante ; j’ai donc repris le flambeau, et proposer un atelier de pratique instrumentale musicale, auquel une petite dizaine d’enfants a bien
voulu ête fidèle tout au long de cette année scolaire.
Je précise que ces ateliers étaient proposés à des élèves volontaires, en dehors du temps scolaires, entre midi et deux, juste
après le repas de la cantine.
Par contre, à l’école Brassens, le projet a suscité un certain écho de la part des élèves, et l’atelier a pu se concrétiser, à
la fin de l’année, par un petit spectacle sur la scène de la salle de spectacle de Beaulieu.
Les vidéos qui suivent témoignent de cette expérience.
Les premières séances se sont tenues dans le hall d’accueil de l’école. Avant l’apprentissage de mouvements chorégraphiques,
un échauffement est proposé
Remarquez au préalable l’attention des élèves, la diversité de leur origine, leur participation active aux exercices
proposés
Des élèves rejoignent l’atelier en cours de route, les échauffements continuent
Apprentissage des premiers mouvements, remarquez l’aisance et le savoir-faire déjà incorporés chez certains enfants
Mouvements des mains, remarquez l’attention et le silence à certains moments, quand lucien explique le mouvement
Premiere application avec la musique, remarquez que le mouvement des mains, qui a nécessité un apprentissage spécifique, est
ici très rapide ; les enfants manifestent leur amusement à la réussite du mouvement, ou à son échec (notamment à la fin de la séquence), preuve qu’une pratique artistique exigeante peut se
faire dans la joie et le rire.
Je vous raconterai la suite de cette aventure passionnante et enrichissante, dans d’autres articles, d’autres saisons