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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 08:55

Jean-Jacques Nattiez est un musicologue qui a écrit deux ouvrages fondamentaux sur la sémiologie de la musique en 1975 et en 1987 ; il distingue, lorsqu’on parle de musique, deux langages : le langage interne de la musique (c’est en mineur, c’est rapide, c’est en mi bémol, c’est une quinte augmentée......) et le langage externe de la musique (ça me rend triste, ça me fait penser au lever du jour, ça évoque mon enfance.......).

Leonard Meyer, en 1956, dans son livre « émotion et signification en musique » (acquisition récente, que l’on peut emprunter à la bibliothèque de CRR) distingue deux sortes d’auditeurs : les absolutistes, qui considèrent que la signification musicale repose exclusivement dans les rapports entre les éléments constitutifs de l’œuvre elle-même, et les référentialistes, pour lesquels il ne peut y avoir de signification que par renvoi à un mode extra-musical de concepts, d’actions, d’états émotionnels et de caractère.

En croisant les affirmations de Nattiez et de Meyer ;

-      un absolutiste utilise le langage interne de la musique

-      un référentialiste utilise le langage externe de la musique

Faisons l’hypothèse que Meyer a utilisé le modèle du détenteur de l’oreille absolu pour qualifier les absolutistes.

Mais, pour Meyer, la distinction ne s’arrête pas là ; une autre distinction va doubler celle que je viens de présenter : les formalistes, pour qui la musique ne peut provoquer pas de réponses affectives, et les expressionnistes qui admettent l’existence de sentiments exprimés par la musique.

 

Trois types de perception musicale émergent de cette description.

-L=absolutiste formaliste : c=est un sujet qui conçoit la musique comme l=objet d=un acte intellectuel pur, sans émotion ni affect. La musique se comprend par son organisation même, par son langage interne exclusivement.[1]

-L=absolutiste expressionniste : c=est un sujet qui comprend la musique dans son organisation interne, mais sait y associer des éléments externes, comme les images ou les sentiments. Les langages interne et externe sont ici sollicités.

-Le référentialiste expressionniste : la majorité des auditeurs adhèrent à cette posture. Ceux-ci ne maîtrisent pas assez le langage musical pour le comprendre, mais apprécient assez le contour de la musique pour leur évoquer des images, des sensations, des associations. Ici, il est fait appel essentiellement au langage externe.

De cette distinction, on peut en déduire qu’un conservatoire forme des absolutistes formalistes, c’est-à-dire, en quelque sorte, des avatars de détenteurs de l’oreille absolue.

Pour ma part, je pense que tout le discours de l’enseignement spécialisé de la musique évacue sans cesse la question de l’oreille absolue, alors que sa présence est constante implicitement entre ses lignes.



[1] deux citations célèbres  illustrent ce type:

« En vérité, la lecture ou l=audition d=une œuvre musicale quelle qu’elle soit....n=ont jamais constitué pour moi l=objet d=un plaisir, d=une distraction, d=un délassement, ou même une manifestation de ma curiosité. Si certaines de ces lectures ou auditions ont pu entraîner avec elles le plaisir, le délassement, voire l=ennui ou l=irritation, ce sont des qualités qui se sont surimposées au cours des exercices en question, exercices dont l=origine et l=intention première résident ailleurs ». LEIBOWITZ Robert., Schoenberg et son école, Paris : J. B. Janin, 1947, p.9.

 

« Car je considère la musique par son essence impuissante à exprimer quoi que ce soit: un sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de nature, etc....L=expression n=a jamais été la propriété immanente de la musique. La raison d=être de celle-ci n=est d=aucune façon conditionnée par celle-là. Si, comme c=est presque toujours le cas, la musique paraît exprimer quelque chose, ce n=est qu=une illusion, et non pas une réalité. C=est simplement un élément additionnel que, par une convention tacite et invétérée, nous lui avons prêté, imposé, comme une étiquette, un protocole, bref, une  tenue, et que par accoutumance ou inconscience, nous sommes arrivés à confondre avec son essence. » Igor Strawinsky, Cité in MANEVEAU Guy. Musique et éducation, Aix en Provence : Edisud, 2000, p. 111

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