Il y a de quoi en perdre son latin : la formation musicale est-elle du solfège ? Et inversement, peut-on dire que le solfège est enseigné dans le cours de formation musicale ?
Quiconque est vite taxé de ringard quand il a le malheur de parler de solfège, mot qu'’on voudrait bien refouler dans les limbes d’un inconscient collectif où le mot « solfège » fait ressurgir des souvenirs pénibles et bien désagréables. Témoin André Souris, compositeur ayant vécu au XX° siècle, qui écrit : « Nous avons tous gardé un souvenir assez désagréable de nos premières leçons de solfège. Je ne parle pas évidemment des enfants que l=on force à apprendre la musique, mais de ceux dont l=oreille est naturelle, attentive à tout ce que la vie a de musical » AConditions de la musique et autres récits@, éditions de l=université de Bruxelles, p.108.
Le solfège, d’après le Petit Robert, c’est : « l’étude des principes élémentaires de la musique et de sa notation », mais aussi : « livre expliquant les rudiments de la musique et de sa notation accompagné d’exercices, de morceaux à solfier ».
Les livres de solfège sont donc des recueils d’exercices, à l’égal de ceux qui ont connu le « Bled », bible d’exercices orthographiques d’application aux règles des chausse-trappes de notre langue française.
En 1977 est apparu une grande réforme, bannissant le mot « solfège » et faisant surgir une expression moderne, le terme « formation musicale », qui a pour but : « l’acquisition des principes élémentaires de la musique par l’étude des textes musicaux du répertoire, à l’inverse du solfège, qui bénéficie d’un répertoire spécifique pour l’étude de ces principes ».
La formation musicale, c’est donc du solfège, puisqu’il s’agit de : « l’acquisition des principes élémentaires de la musique », mais c’est tout le contraire du solfège, puisque la FM est fondée sur « l’étude des textes musicaux du répertoire ».
Ce genre d’assertion s’appelle un paradoxe.
Depuis cette innovation majeure d’introduire dans le vocabulaire des signifiants musicaux le terme « formation musicale », le trouble n’a cessé d’exister entre solfège et formation musicale.
Finissons par une remarque de Riemann, pas toute jeune puisqu’elle a été écrite en 1882 : « -Solfège ( italien Solfeggio), exercice vocal destiné à développer chez le musicien la faculté d=appréciation et d=intonation des intervalles ou encore exercice de lecture musicale. Les conservatoires de France, de Belgique, de Suisse, considèrent le solfège comme un cours élémentaire indispensable à tous les élèves des classes instrumentales, aussi bien que des classes vocales; cet enseignement est très négligé dans beaucoup d=autres pays.@
Avouons que cette ode à la pratique maîtrisienne et à l’exception française n’a pas pris une ride.