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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 09:57

Les pieges de l’improvisation

L’etymologie du mot « improvisation »  (in-pro-viser) nous en revele tout son paradoxe. C’est viser contre (in) et pour (pro). C’est en même temps aller vers et à rebours. Cette posture inconciliable est bien le fait de l’improvisation, choix impossible du paradoxe.

Le paradoxe n’est pas la contradiction.

Avoir une posture contradictoire, c’est faire le contraire de ses convictions. Je ferai un choix contradictoire si, adorant les glaces et detestant les fruits,  je choisis les fruits pour dessert.

Le paradoxe se situe dans un choix où il est impossible de trancher. L’exemple célèbre de la mère qui offre une chemise bleue et une chemise rouge à son fils, ce dernier endossant la chemise bleue, et la mère criant «  Pourquoi tu n’as pas choisi la chemise rouge !! », est une bonne illustration du paradoxe.

L’improvisation se situe dans ce choix impossible du paradoxe . Improviser rejoint le concept magistralement démontré par Dominique Violet sur la différence entre le très bon élève et le bon élève.

Le bon élève fait ce que lui demande son professeur, le très bon élève fait ce que lui demande son professeur, mais il fait plus, ou le contraire, mais dont l’action, dont la demande est non formulée par le professeur, mais supputée par l’élève, est agréee le professeur.

J’ai, parmi mes petits élèves, de très bons élèves, qui rechignent quelquefois à répondre docilement à des questions qu’ils considèrent comme trop élémentaires, et s’amusent  à faire l’inverse, mais en mieux,  dans la réponse à la question formulée.

Un très bon improvisateur est comme le très bon élève ; il arrive là où on ne l’attend pas. Le bon improvisateur connait toutes les ficelles et toutes les roueries de l’improvisation ; son improvisation sera honorable, elle ne sera pas géniale. Le très bon improvisateur est malmené dans un constant paradoxe, entre faire ce qu’on lui demande de faire, et transgresser subrepticement, de manière lumineuse, la règle en la dépassant. On a affaire alors à des improvisations géniales, uniques et somptueuses.

Elles sont uniques et ne peuvent souffrir la répétition ; Marc Ducret, improvisateur et guitariste génial, racontait, lors d’un master class à syrinx, que, jouant dans un orchestre où l’improvisation était la règle, s’empêchait de répéter chaque soir des formules trouvées à l’improviste, et qui se révélaient exceptionnellement  pertinentes et subtiles.

La posture de l’improvisateur se situe dans l’ambigu paradoxe du « lâcher-prise », censée ignorer des actions maitrisées.

Ce paradoxe devrait également habiter celui qui va juger une improvisation, toute grille d’évaluation établie étant en contradiction avec l’essence même de l’improvisation, le « lâcher-prise » devant être la règle paradoxale d’une évaluation crédible et pertinente.

Ainsi, évaluer une improvisation relève d’un double paradoxe, celui de l’improvisateur, et celui de l’évaluateur ; c’est dire l’inconfort d’un membre de jury qui est censé désigner un vainqueur dans un tournoi d’improvisation.

 

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commentaires

F
Je bloque sur l'etymologie fantaisiste. Providere en latin signifie se preparer. Improviser signifie ne pas se preparer. Alors viser pour, contre, ou à côté - j'accroche pas.
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D
françois, françois, françois, ne serait ce pas françois branciard, à tout hasard

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