La représentation sociale est un concept de la psychologie sociale, science humaine qui, comme son nom l'indique, étudie la psychologie des masses.
La représentation sociale décrit le phénomène troublant qu'une idée que l'on croit ancrée en soi, est en fait le reflet d'une pensée collective.
L'expérimentation extrême, pour prouver ce phénomène, est de mettre une personne parmi un groupe constitué, et de le faire changer d'avis sur une proposition donnée (on fait passer des
diapositives devant le sujet qui représentent des carrés, et le groupe dit dans son unanimité que ce sont des cercles; au bout d'un certain temps, le sujet se persuade que le carré est un cercle)
Concernant la musique, le fait d'être persuadé qu'on ne peut apprendre la musique sans connaître le solfège. est
une représentation sociale bien ancrée.
Une autre représentation sociale agite depuis pas mal de temps le landernau musical : c'est celle de l'oreille absolue.
Un détenteur de l'oreille absolue est capable de nommer la hauteur (en fait le nom d'une note) d'un son quelconque. Ce personnage peu fréquent rencontre, de la part de ceux qui n'en sont pas
affublé, admiration, envie et questionnement : serait-ce un don de Dieu, une capacité due à l'hérédité, un privilège accordé aux êtres d'exception?
Pourtant, il n'en a pas été toujours ainsi : il suffit de lire un petit texte, intitulé "les deux amateurs", issu du recueil "Vie de Rossini" de Stendhal, paru en1824, pour apprendre que le sujet
doté d'une oreille parfaite, "capable de noter tous les sons de la nature, mais sans y rien comprendre" (p.90) est en fait un sot et un cuistre qui n'éprouve aucune émotion musicale, "la musique
ne lui fait aucun plaisir, autre que celui de donner execice à son talent, pour l'appréciation des sons; cet art ne dit absolument rien à son âme; et d'ailleurs, il n'a pas d'âme" (p.91)
La représentation sociale de cette capacité est en fait conditionnée par le nom qui la désigne : à l'époque où Stendhal écrit son texte, il semble qu'il n'y ait pas de mot pour la désigner,
preuve qu'elle était considérée comme insignifiante (sans signifiant).
L e mot "absolu" apparaît à l'orée du XX° siècle, pour désigner la capacité à comprendre de la musique sans texte. Ce phénomène est décrit par un musicologue allemand, Carl Dalhaus,
dans un ouvrage fort intéresaant intitulé " l'idée de la musique absolue". L'ouîe absolue est la capacité à comprendre la musique pour elle-même, pour apprécier son formalisme.
Mais, sous l'effet du scientisme ambiant, propre à ce début du XX° siècle, des psychologues se persuadent que cette intelleigence à comprendre la musique est une compétence lié au corps humain :
et d'ouîe, c'est-à-dire compétence intellectuelle à comprendre la musique, le mot "oreille", mot qui qualifie une partie du corps humain, apparaît et s'impose.
Depuis, des recherches incessantes et constantes font ressurgir, comme les feuilles de marronnier en automne, ce "curieux phénomène".
Pour ma part, je ne vois rien d'exceptionnel à ce qu'une personne prétende être affublée de l'oreille absolue; mais c'est une autre histoire, que je raconterai peut être par la suite.