Chacun conviendra qu'un prof de conservatoire doit être avant tout un musicien confirmé et de haut niveau. Qu'’il soit élu, responsable de formation, ou même parent, tout le monde semble faire l’unanimité sur ce point. Tout centre de formation à l’enseignement musical spécialisé recrute ses futurs enseignants d’abord sur ses compétences musicales, c’est une condition essentielle à laquelle il n’est question ni de discuter, ni de transiger.
A l’inverse, faut-il qu'’un prof de maths maîtrise la théorie des cordes pour être un bon enseignant, faut-il qu’un professeur de français soit un écrivain pour enseigner sa discipline, faut-il qu'’un prof de gym fasse moins de 10 secondes aux 100 mètres pour prétendre enseigner ?
La relation entre un prof d’instrument de conservatoire et son élève est essentielle ; certaines de ces relations vont se prolonger dans le temps, jusqu’à dix ans quand tout se passe bien ; c’est ce qui a fait dire à un ancien directeur de conservatoire que le prof d’instrument de conservatoire avait le même statut que le médecin de famille ou le curé du village : il entretient une relation personnelle et privilégiée avec son patient sur une durée importante de la vie.
Dans ces conditions, est-il raisonnable de former des profs de musique simplement sur le critère de leur compétence musicale, leur capacité à se produire publiquement, leur niveau d’expertise musicale tendant vers un absolu sacralisé ?
Je connais un jeune enseignant, frais émoulu du CESMD, brillant interprète et enseignant exigeant, qui, atteint d’une sclérose musculaire locale et passagère ne lui permettant pas de pratiquer son instrument pleinement, a décidé de tout bazardé, jouer de la musique, enseigner, et de devenir un représentant de commerce.
Peut-être ce handicap passager aurait-il été au contraire une occasion propice pour réfléchir à une pratique raisonnable de la musique, comme ces chanteurs perclus de tensions laryngés, qui ont essayé de comprendre leurs pathologies, et sont devenus des pédagogues notoires en évitant à leurs élèves les excès de leur pratique, comme Richard Miller.
Je suis un piètre musicien, la pratique publique de la musique me tétanise, je serais plutôt du genre Sartre, un siffleur de salle de bain. Ce qui m’importe, à l’issue de chaque cours, c’est que l’élève en sorte ravi, satisfait d’avoir appris quelque chose, mais content d’avoir passé un bon moment à « jouer » de la musique. (A ce propos, une inspectrice du ministère de la culture, après l’observation d’un de mes cours, m’a fait le reproche que les élèves pouvaient s’amuser en cours, c’est dire le sérieux que nécessite l’apprentissage de la musique et que ça ne rigole pas !!!!)
La question musicale est certes centrale dans son acte d’enseigner, mais elle n’est pas primordiale et hégémonique. Plus d’un chercheur en sciences de l’éducation a fait le constat que la relation était essentielle dans le processus d’apprentissage, tout un courant des sciences de l’éducation se bat avec plus ou moins de bonheur pour accréditer cette idée, sous couvert du concept de l’accompagnement.
Bref, pour en revenir à la musique, constatons simplement qu'’il existe toujours un lien très fort entre professeur et élève après plusieurs années de vie commune. Alors, la musique dans tout ça ?