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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 10:11

Chacun conviendra qu'un prof de conservatoire doit être avant tout un musicien confirmé et de haut niveau. Qu'’il soit élu, responsable de formation, ou même parent, tout le monde semble faire l’unanimité sur ce point. Tout centre de formation à l’enseignement musical spécialisé recrute ses futurs enseignants d’abord sur ses compétences musicales, c’est une condition essentielle à laquelle il n’est question ni de discuter, ni de transiger.

A l’inverse, faut-il qu'’un prof de maths maîtrise la théorie des cordes pour être un bon enseignant, faut-il qu’un professeur de français soit un écrivain pour enseigner sa discipline, faut-il qu'’un prof de gym fasse moins de 10 secondes aux 100 mètres pour prétendre enseigner ?

La relation entre un prof d’instrument de conservatoire et son élève est essentielle ; certaines de ces relations vont se prolonger dans le temps, jusqu’à dix ans quand tout se passe bien ; c’est ce qui a fait dire à un ancien directeur de conservatoire que le prof d’instrument de conservatoire avait le même statut que le médecin de famille ou le curé du village : il entretient une relation personnelle et privilégiée avec son patient sur une durée importante de la vie.

Dans ces conditions, est-il raisonnable de former des profs de musique simplement sur le critère de leur compétence musicale, leur capacité à se produire publiquement, leur niveau d’expertise musicale tendant vers un absolu sacralisé ?

Je connais un jeune enseignant, frais émoulu du CESMD, brillant interprète et enseignant exigeant, qui, atteint d’une sclérose musculaire locale et passagère ne lui permettant pas de pratiquer son instrument pleinement, a décidé de tout bazardé, jouer de la musique, enseigner, et de devenir un représentant de commerce.

Peut-être ce handicap passager aurait-il été au contraire une occasion propice pour réfléchir à une pratique raisonnable de la musique, comme ces chanteurs perclus de tensions laryngés, qui ont essayé de comprendre leurs pathologies, et sont devenus des pédagogues notoires en évitant à leurs élèves les excès de leur pratique, comme Richard Miller.

Je suis un piètre musicien, la pratique publique de la musique me tétanise, je serais plutôt du genre Sartre, un siffleur de salle de bain. Ce qui m’importe, à l’issue de chaque cours, c’est que l’élève en sorte ravi, satisfait d’avoir appris quelque chose, mais content d’avoir passé un bon moment à « jouer » de la musique. (A ce propos, une inspectrice du ministère de la culture, après l’observation d’un de mes cours, m’a fait le reproche que les élèves pouvaient s’amuser en cours, c’est dire le sérieux que nécessite l’apprentissage de la musique et que ça ne rigole pas !!!!)

La question musicale est certes centrale dans son acte d’enseigner, mais elle n’est pas primordiale et hégémonique. Plus d’un chercheur en sciences de l’éducation a fait le constat que la relation était essentielle dans le processus d’apprentissage, tout un courant des sciences de l’éducation se bat avec plus ou moins de bonheur pour accréditer cette idée, sous couvert du concept de l’accompagnement.

Bref, pour en revenir à la musique, constatons simplement qu'’il existe toujours un lien très fort entre  professeur et élève après plusieurs années de vie commune. Alors, la musique dans tout ça ?

 

 

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 07:57

Un nouveau concept est apparu hier soir, dans le champ des pratiques improvisées de la danse et de la musique, une déclinaison des fameux "battle" hip hop, mais ici destinée à tous les danseurs, quelque soit leur esthétique. La contrainte essentielle de l'improvisation ici est de faire danser la musique.

Quelques photos de cette soirée mémorable, où l'optimisme et l'enthousiasme de ces "jeunes" apportent un rayon de soleil dans la morosité du moment..

Cela se passait au gymnase de Touffenet, et cette première a été un franc succès.

 

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 07:39

La chanson de la semaine, c'est "coquelicot"

On se balance pour chanter cette chanson, c'est une première sensation pour appréhender le rythme ternaire.

La chanson est apprise, la pulsation se fait sur la table, en alternant main gauche/main droite

 

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on reproduit ce geste au piano, en jouant un do grave et un do aigu

 

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on apprend ensuite les notes de la mélodie sur la table

 

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qu'on joue ensuite au piano

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enfin, on retrouve les notes apprises dans le texte écrit de la chanson

 

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 07:34

Selon un précepte  convenu,  tout élève de conservatoire doit être confronté à une pratique publique de la musique, soit sous forme d’auditions, de prestations informelles devant un public restreint, ou de concert selon le cérémonial en vigueur. Cette pratique publique donnerait du sens à un enseignement qui tendrait vers cet objectif.

Cette contrainte implicite, car nul règlement intérieur de conservatoire ne stipule le caractère obligatoire de cette pratique, ne fait cependant jamais l’unanimité auprès de tous les élèves ; tous les ans, j’en rencontre toujours certains qui refusent de jouer en public, préférant une pratique intime et privée qui convient à leur caractère.

Ces empêcheurs de tourner en rond doivent nous questionner sur la validité et la pertinence de la pratique publique de la musique.

Ecoutons d’abord Jean-Paul Sartre sur sa pratique musicale :

« J’ai eu un rapport solitaire avec la musique. Il valait mieux, à mon sens,  éviter que des gens m’écoutent, et je m’y efforçais. J’ai gardé cette prudence, j’ai maintenu cette protection pour eux et pour moi jusqu’à soixante-cinq ans. En fait, j’ai toujours joué du piano, de deux à quatre heures par jour. Non pas pour faire des progrès, mais pour apprendre des musiques nouvelles, des musiciens, des airs nouveaux » (propos recueillis par Lucien Maison, « Le Monde » 28 juillet 1977).

Que nous dit ce texte précieux du grand philosophe :

1-qu'on peut faire de la musique simplement pour découvrir des répertoires inconnus

2-qu'on peut pratiquer dans sa chambre son instrument de deux à quatre heures par jour sans pour autant vouloir se produire publiquement

3-jouer seul, pour soi, est une manière de se protéger, face à l’adversité de l’altérité

Ce troisième point soulève la question du public et du privé, telle qu'’elle a été discutée dans toute l’œuvre de Hannah Arendt. Dans « Condition de l’homme moderne », Arendt pose bien la différence entre pratique publique, pratique de la « polis », pratique sociale, et pratique privée, pratique de la famille, de « l’oïkos ». L’une favorise la protection de la maison, mais prive d’une grande liberté (d’où le terme « privé »), l’autre dénoue les chaînes des contraintes de la maison, et rend l’homme plus libre, mais il est à la merci de l’altérité.

Quand Sartre dit qu'’il maintient cette protection de jouer de manière privée, c’est qu'’il ne veut pas briser les chaînes de son intimité et préserver tous les rets qui le singularisent.

Qu'’il s’agisse de la naissance du totalitarisme, ou de la banalité du mal, Hannah Arendt insiste sur l’importance de préserver la pratique privée, qui permet de se mettre à distance de la pratique publique.

Dans « Responsabilité et jugement », Arendt explique le processus du privé au public, à la faveur du « personnage ». Le « persona » est un masque utilisé par les Grecs dans les pièces de théâtre : il permettait à l’acteur de se blottir derrière un masque, et de ne pas ainsi révéler son « vrai » visage », et de parler à travers ce masque (per-sonare). Un personnage permet de se voiler la face pour apparaître en public.

Jung a repris ce concept de personnage, pour expliquer que chacun se fabrique un personnage vis-à-vis de l’altérité, le but de sa thérapie étant justement de se débarrasser de ces oripeaux pour révéler sa véritable authenticité.

Bref, se fabriquer un personnage permet d’affronter l’altérité, et ainsi préserver son intimité. C’est ce que dit Arendt dans ce très beau texte, issu de « Responsabilité et jugement » :

« Je peux m’accommoder d’apparaître comme personnalité publique pour les besoins d’un événement public. Cela signifie que lorsque les événements pour lesquels le masque a été conçu seront passés et que j’aurai terminé d’user et d’abuser de mon droit individuel de parler à travers le masque, les choses se remettront en place. Alors, très honorée et profondément reconnaissante pour ce moment, je serai libre non seulement d’échanger les rôles  et les masques que la grande pièce qu'’est le monde peut proposer, mais aussi libre pour me mouvoir à travers cette pièce ; cependant, je ne me laisserai ni définir ni séduire par la tentation forte que représente la reconnaissance, laquelle, quelle que soit sa forme, ne peut nous reconnaître comme ceci ou cela, c’est-à-dire comme quelque chose que fondamentalement nous ne sommes pas ».

Ce texte lumineux montre bien la différence entre public et privé, le public étant le lieu du paraître et de la reconnaissance, pour laquelle on ne doit pas se griser, mais revenir aux fondamentaux de sa pensée singulière de l’être et de son authenticité lorsqu’on se retrouve seul face à soi-même.

C’est dire ainsi que le lieu intime d’une pratique musicale est différente du lieu de sa production publique. Tout le problème est de s’y préparer : lorsqu’un élève arrive en cours, joue son morceau, balbutie, hésite, et dis « mais j’y arrive mieux à la maison », c’est qu'’il ne s’est pas préparé à affronter l’altérité, où « paraître » devant l’autre nécessite des précautions pour préserver son « être ».

Certains élèves arrivent en cours avec l’assurance de celui qui s’est préparé au regard de l’autre, d’autres montrent toute la vulnérabilité de leur intimité dans de pathétiques balbutiements.

L’épreuve du public, que ce soit une audition devant les parents, une prestation devant un public restreint, ou un concert sous forme de spectacle sacralisé, nécessite toujours une préparation, où l’élève va « jouer » un personnage, sans être vraiment lui-même.

Ce paradoxe que Diderot avait exposé en son temps dans « Le paradoxe du comédien » peut s’appliquer au musicien.

Certains formateurs expliquent que le véritable acte artistique est de révéler sa propre authenticité face au public. Certes, cela peut se vérifier pour ceux qui sont déjà armés face à l’altérité, mais cela peut provoquer à l’inverse pour d’autres des déboires difficilement réparables par la suite.

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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 10:57

Jaques Chailley explique, dans son ouvrage « La musique grecque antique » que les Grecs utilisaient deux systèmes de notation de la musique, l’un instrumental et l’autre vocal. Puis, au cours de l’histoire, ces deux systèmes ont progressivement fusionné, pour donner naissance à notre système fixe et universel de solmisation. Cependant, en Allemagne comme en Angleterre, a subsisté un système propre de notation de la musique vocale, institué de manière autoritaire par John Curwen en Angleterre au XIX° siècle ayant pour nom le « tonic sol-fa », et en Allemagne, à l’initiative de Mattheson au XVIII° siècle, d’un système où deux notations étaient préservées, désignant les hauteurs soit par des notes, soit par des lettres. C’est pour cela que sur certaines partitions éditées à l’étranger, on peut lire par exemple Am au lieu de la mineur.

Une tentative de simplifier et rendre plus rationnelle et facile la lecture vocale de la musique s’est fait jour en France au XIX° siècle, initiée par trois personnages Galin, Chevé et Pâris ; cette méthode consistait à nommer les hauteurs par des chiffres, et d’instituer un système relatif, généré par un son fondamental non fixe. Cette méthode, qui a connu un bref succès, fut cependant jetée aux orties par l’élite musicale de l’époque, qui défendait un système fixe de la désignation des notes propre aux détenteurs de l’oreille absolue.

Si vous feuilletez le « Livre de chansons » édité par le conservatoire, et qui me sert tout au long du premier cycle pour les classes de formation musicale, vous constaterez que certaines chansons sont précédées d’un ou deux dièses, ou d’un ou deux bémols. Ceci pour indiquer la tonalité du morceau, c’est-à-dire définir le son fondamental d’où s’agrègeront toutes les autres notes : en do majeur, la quinte s’appelle sol, mais en ré majeur, elle s’appelle la, et en mi bémol, si bémol.

Les systèmes allemands et anglais font fi de toute cette complication ; toutes les chansons sont écrites en do, et à  chacun de définir la hauteur de la note fondamentale. En d’autres termes, la traduction anglaise du livre de chansons serait qu'’elles seraient toutes écrites en do.

Cette manière de procéder heurte de plein fouet la pensée d’une notation fixe, où chaque note correspond à une fréquence, au détriment d’une pensée d’une notation relative, où chaque note correspond à une fonction ; pour un chanteur français, le sol correspond à une hauteur égale à 396hz, pour un chanteur allemand ou anglais, le sol est la quinte de do, le do pouvant se référer à n’importe quelle fréquence.

J’ai connu des chanteurs français qui avaient effectué une partie de leurs études en Angleterre, et qui étaient ébahis par la facilité avec laquelle les choristes de ce pays déchiffraient les partitions. La raison en est simple : ils ont un système d’apprentissage de la musique vocale qui ne tient pas compte du système fixe des notes, n’en déplaise aux défenseurs farouches d’un système fixe français qui n’agrée que les détenteurs de l’oreille absolue.

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 09:33

Pour illustrer les lois dites "naturelles "de la musique en général, et de la constitution de la gamme en particulier, j'ai trouvé cette video qui explique le phénomène des harmoniques

 

 
 sur cette autre, le musicien égrène toutes les notes produites à partir d'un son fondamental d'un saxophone
on entend successivement la fondamentale, l'octave, la quinte, l'octave, la tierce, la quinte, la septième mineure, l'octave, la neuvième (ou seconde), et la tierce

 

 sur celle-ci, une chanteuse produit des harmoniques à partir d'un son fondamental; on peut reconnaitre la quarte diésée dans le deuxième et troisième extrait; on reconnait parfaitement dans chaque séquence la septième mineure, que d'aucuns assimile à une note "bluesie".

 


 

 

 
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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 14:21

On dit d’une gamme qu'elle est composée d’éléments « discrets ». L’adjectif « discret » est employé ici dans le sens de « discontinu ». Les notes de la gamme sont « discrètes » dans la mesure où elles représentent des paliers dans un mouvement continu d’un son similaire à une sirène. Considérons la fréquence du la3=440hz et du la#3=466,16hz ; qui nous dit que la fréquence 444hz est un la, ou que la fréquence 465hz est un la# ? La désignation chiffrée fréquentielle de chaque note correspond donc à une estimation entre deux nombres, dont personne ne peut établir les limites de manière irrévocable. Au lieu de désigner des notes par une fréquence par exemple: la3=440hz, la#3=466,13hz, si=493,88hz, do=523,25hz, pourquoi n’écrit-on pas par exemple: 430hz<la<450hz<la#<480hz<si<510hz<do......

Ceci est ma première remarque concernant la prétendue désignation fréquentielle fixe et absolue de chaque note. Si on fait écouter à un musicien un son à 440hz, et que très progressivement, on fait varier sa fréquence jusqu’à 466,13hz, à partir de quel seuil la note ne s’appellera plus la, mais la# ?

Il est convenu de distinguer la gamme des mathématiciens et celle des physiciens.

Une gamme peut être une construction mathématique pure, comme celle de Pythagore (le fameux cycle des quintes) ou la gamme tempérée : un demi ton est strictement  la racine douzième de l’octave.

Elle peut être « naturelle », ayant alors comme prémices les lois acoustiques de la physique : un son généré par un objet (instrument ou voix) comporte des composants ou harmoniques, qui, si on les déploie, peuvent constituer une gamme. Le malheur de la gamme acoustique, c’est que la tierce est plus petite que celle générée par le calcul, sans parler du fa, qui est carrément un fa# selon les lois naturelles.

Constituer une gamme est donc du ressort du bricolage, entre accommodement entre mathématiques et physique, et prétendre une origine purement naturelle de la constitution de la gamme en particulier, et de la musique en général, relève de l’imposture.

Pour finir, même les plus érudits entretiennent cette confusion.

 Par exemple, Maurice Emmanuel, auteur d=une monumentale histoire de la langue musicale[1], parle Ad=acoustique des pythagoriciens@ ou de Anotre gamme à tempérament égal comme gamme des physiciens@. MarcelleSoulage, écrit « Depuis toujours, la musique existe dans la nature : chant des oiseaux, bruissements des sources, vent dans les roseaux, musique du sable dans les grands déserts (à l=aurore ou au crépuscule) etc...Elle existe par cet impalpable, le son, résultat de la vibration de l=air, air qui nous fait vivre et que nous ne voyons pas ».[2], puis plus loin : « Tous les éléments constitutifs de l=art musical se rattachent aux mathématiques, ou, pour mieux dire, en dérivent ». (Lavignac)[3]



[1]Emmanuel Maurice (1981-première édition en 1911) A L=histoire de la langue musicale@ deux tomes, Editions Henri Laurens, Paris

[2]Soulage Marcelle (1962) ALe Solfège@ Collection AQue Sais-je@ n° 959, PUF, Paris, p.11

[3]Ibid p.20

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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 08:08

Selon la pensée marxiste, la société est divisée en deux classes, les dominants et les dominés. Bourdieu a montré que chaque classe avait son art de vivre (ses habitus). Adorno a ressassé en son temps que la musique avec un grand « m » était du ressort des dominants, que la musique des dominés pouvait s’écrire avec un petit « m », et que l’objectif d’une éducation musicale était « d’élever » tous les membres d’une société vers la pratique musicienne des dominants. Finkelkraut et d’autres insistent bien sur le mot « élève », qui est bien de l’élever vers des sphères sociales astrales, à l’inverse de Herder, romantique allemand qui se faisait l’exégète du génie du peuple, le regard baissé vers la terre nourricière.

Apprendre la musique « classique » ne serait-il pas du ressort de l’élévation, le mot « classique » se référant ici, par un mauvais jeu de mot, à une classe, en l’occurrence la classe dominante.

A l’inverse, l’art « populaire » ne serait-il pas un regard posé autrement sur l’art en général, la musique en particulier, comme Yannick Jaulin, convoquant le génie oratoire de papies et de mamies de Vendée pour construire des spectacles artistiques savants. La procédure n’est pas nouvelle, Kodaly et Bartok l’ont montré en leur temps.

La danse hip hop, d’essence urbaine, dont l’origine s’amarre aux friches des « banlieues », aurait été honnie par Adorno s’il avait été contemporain du phénomène, récupérée à sa création par toutes la bibeloterie commerciale et marchande des majors. Pourtant, cette esthétique, née dans le terreau douteux d’un peuple d’exclus, par la force de son inventivité, a trouvé désormais sa place au soleil parmi la culture légitime des dominants, à tel point que certains de ses adeptes se retrouvent à la tête de centres de formation de danse.

Mais Bernard Lahire vient brouiller les cartes de cette distinction tranchée entre art savant et art populaire.( La culture des individus - dissonances culturelles et distinction de soi, Paris : éditions la découverte, 2004)

Il montre que le comportement culturel de chacun révèle des zones avouables de légitimité à la culture dominante, mais également des zones inavouables d=illégitimité à la culture dominante. Il récuse l=idée d=une homogénéité d=une classe donnée, mais y révèle sa riche hétérogénéité.

Cette approche complexe et paradoxale peut expliquer l’intérêt que portent depuis peu les conservatoires aux « musiques actuelles », aux « musiques et danses traditionnelles », et même à ce que Gainsbourg qualifiait d’art mineur, la chanson, placée depuis peu sur un piédestal de légitimité égal aux très aristocratiques chansons de Fauré ou de Ravel.

Puisse ce souffle nouveau de post-modernité donner un nouvel élan aux conservatoires, et leur permettre d’ouvrir leurs portes aux adeptes des cultures dominées.

 

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19 novembre 2011 6 19 /11 /novembre /2011 16:58

Anne-Marie Green est une sociologue qui a fait une enquête sur le rapport des adolescents à la musique (Les adolescents et la musique, Paris : EAP, 1986)

Elle distingue trois comportements d=adolescents vis à vis de la musique.

- « Les exclus », qui ont un comportement de fermeture totale aux genres musicaux inconnus, mais regrettent leur ignorance ou leur méconnaissance des autres genres,

- « les aspirants », qui ont le besoin passionné d=étendre ou de renouveler leur culture musicale, mais restent généralement au niveau du désir velléitaire d=étendre ou de renouveler leur culture musicale,

-  « les élus », qui se bornent à gérer un capital musical acquis une fois pour toutes, et maintiennent une attitude d=activité, de curiosité.

D’autre part, le sociologue Bernard Lahire à partir d’enquêtes statistiques sur la pratique culturelle des français (La légitimité culturelle en question , in Donnat Olivier. Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris : La Documentation Française, 2003)  arrive à la même conclusion. Il distingue :

 

- « Les dominants aisés », qui ont un rapport aisé et détendu à une culture qu’ils ont acquis précocement.

-« Les petits bourgeois hyper correctifs », qui ont une bonne volonté culturelle et une tension hypercorrective. Ils croient en la légitimité culturelle mais n’ont pas bénéficié des mêmes conditions d’accès précoces à la culture.

-« Les dominés honteux », atteint d’une indignité culturelle permanente, qui reconnaissent la légitimité culturelle tout en ayant des pratiques et des goûts totalement opposés. 

En croisant les données de ces deux sociologues, et en les comparant à celles de Bernard Lehmann que j’ai exposées dans l’article précédent, on peut distinguer trois types de population d’élèves au moment de leur inscription dans un conservatoire de musique.

-« Les familiers », ceux qui connaissent avant même d’y avoir mis les pieds les codes en vigueur au sein des conservatoires.

-« les conquérants », ceux qui ne sont pas du sérail mais qui aspirent à devenir des familiers

-« les défaitistes », ceux qui sont sans illusion sur leur capacité à intégrer une caste qui n’est pas la leur.

La plupart des élèves qui sont en formation musicale ferait partie de ces « conquérants », avides de savoir musical, soucieux de bien faire, et surtout attentifs à ne pas froisser une institution qui représente un idéal à atteindre, une reconnaissance sociale à conquérir.

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 11:24

Bernard Lehmann est un sociologue nantais qui a fait paraître aux éditions de La Découverte en 2002 un livre intitulé AL=orchestre dans tous ses éclats - ethnographie des formations symphoniques@

Il a observé pendant deux ans quatre grands orchestres classiques parisiens; il s=est entretenu avec des dizaines d=instrumentistes de ces formations, et il a procédé à diverses études statistiques concernant ces orchestres. Il nous démontre que l=orchestre n=est pas ce bloc monolithique au service de la musique qui serait l=objet la représentation de tout mélomane, mais un groupe éclaté, sujet à de multiples tensions, et condamné à donner l=apparence d=une cohésion harmonieuse. Il distingue ainsi trois catégories d=instrumentistes : les promus, les héritiers et les déclassés. Le tableau en fin d'article en reprend les principales caractéristiques

 

 

 « Les promus », généralement recrutés parmi les vents, issus des harmonies et des fanfares associatives, sont fils d’ouvriers, mais ils sont ces chanceux des classes dominées qui ont pu accéder sans trop de heurts au statut de musicien d’orchestre, et rappellent ostensiblement leur culture de classe auprès de leurs collègues en exhibant sur leur lutrin Play-Boy ou Lui . Ce sont des forbans, dit affectueusemnt Philippe Nahon, chef de Ars Nova, en parlant du tubiste et du corniste de la formation.

 « Les déclassés », issus de la classe moyenne et de la haute bourgeoisie, se retrouvent dans le marais des cordes de l’orchestre. Ce sont des aigris, échoués dans une structure bien loin de ce qu’ils rêvaient, qui ressassent leur acrimonie en dénigrant l’institution musicale qui les a formés.

 « Les héritiers », ces  enfants de la balle qui n’ont pas de réelles préférences instrumentales, si ce n’est le rôle exotique de percussionniste, sont  fils ou filles de musiciens, et ils constituent une part importante de l’orchestre,  s’y trouvent comme des poissons dans l’eau, retrouvant dans cette famille ce qu’ils ont connu dans leur famille respective.

Cette classification peut trouver un pendant sur une diversité de jugements que l’on peut porter sur les conservatoires :

« Les indifférents », enfants de familles de musiciens, qui connaissent tous les codes de la pratique musicienne, et qui trouvent normal et familier le fonctionnement de cette institution.

« Les amers », ces désillusionnés qui ne trouvent pas dans l’institution, d’un point de vue pédagogique ou esthétique, ce qu'’ils étaient venus y chercher.

« Les reconnaissants », défenseurs ardents de l’institution, pour qui le conservatoire est un facteur positif de distinction sociale.

 

 

classification des instrumentistes

 

 

promu

 

déclassé

 

héritier

 

famille d=instruments

 

vent

 

cordes

 

indifférent (sauf percussion)

 

origine sociologique dominante

 

ouvrier/employé

 

cadre/professions intermédiaires

 

professions de la musique

 

motivation des parents pour leur enfant

 

désintérêt; c=est l=enfant qui choisit

 

l=occuper rationnellement

 

lui donner un débouché

 

raison du choix de l=instrument

 

l=enfant choisit au hasard des circonstances

 

les parents projettent leur idéal musical sur leur enfant

 

appétences physiologiques

 

recherche du sens musical

 

sens social : promotion sociale

musiques marginales

 

sens artistique :

quatuor

absolu

 

sens pratique :

pas de préférence esthétique

cacheton

 

regard sur l=enseignement subi

 

respect du maître

 

critique acerbe

 

adhésion

 

rapport au chef d=orchestre

 

invention

 

soumission

 

conformisme

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